Fatum – Sylvie CALLET – 2023 – Ed. du Caïman

Quatrième de couverture

Issue des quartiers, Samia, une lycéenne de 15 ans, rêve en secret de devenir écrivaine. Depuis qu’Amar, son père, est parti au bled, sa mère Sabine peine à joindre les deux bouts, son frère Sohan se radicalise, sa petite sœur Myriam devient ingérable. Abby, sa meilleure amie, submergée par un drame familial, part elle aussi à la dérive. Samia trouve du réconfort dans les ouvrages qu’elle emprunte chaque semaine à son étrange voisine, madame Henry, surnommée « la femme aux livres ». Un jour la jeune fille trouve celle-ci sur le carrelage de sa cuisine en train de se vider de son sang. Une enquête est ouverte pour agression. Samia l’ignore, mais sa vie vient de basculer. Inexorablement.

Chronique

Pour certains, la vie est un réel cauchemar. Il la prennent en pleine figure, dès leur premier vagissement. Tout est fait pour qu’elle empire au fil des jours. Dans un quartier difficile, les jeunes vivent leur quotidien comme il le peuvent. Au petit bonheur, la chance. C’est dans ces circonstances qu’une voisine, nouvellement installée, est agressée. Qui est l’agresseur? Est-ce quelqu’un du quartier ? Pourquoi ? Muette, la voisine ne peut s’exprimer sur cette agression. Quelles en sont les raisons ? Ce quartier où elle a emménagé la rejette. Il ne veut pas d’elle. Elle détonne par rapport à la population qui l’habite. Mme Henry semble se cacher. De quoi ? De qui ? Elle semble porter en elle une douleur profonde. Qui est-elle ? Quelle est son histoire ?

Sohan, Samia, Abby et les autres habitants du quartier ont un parcours haché, chaotique. Un parcours parsemé de douleur, de secrets tus. Des parcours qui s’entrecroisent dans une violence retenue. Une violence qui semble attendre son moment pour éclater au grand jour. La police mène son enquête, difficilement, bousculant les habitudes, le quotidien de ce microcosme. Le lecteur devient un observateur silencieux de ce huis-clos où les rancœurs, les doutes, les larmes retenues contre vents et marais, couvent tel le magma d’un volcan dont l’éruption n’est plus qu’une question de temps. Une éruption qui risque de tout emporter sur son passage. Sans merci. Les mots sont forts, violents, parfois bravaches. Parfois rudement tendres, comme ces êtres à la vie lacérée, malmenée et qui n’ont plus aucun espoir sur le futur.

Ce roman policier tricote des liens tendus, rêches, entre des humains fracassés et des vies violemment fragiles, dans un quartier ou la faiblesse livre l’agneau au loup terré, assoiffé de sang. La radicalisation guette avec impatience ces agneaux offerts sur l’autel de la désespérance, des blessures à vif, profondément cachées aux yeux des âmes damnés. Des âmes dont les relents aux senteurs de soufre, couvrent d’un épais nuage des destins fragiles dont ils se repaissent avidement. Samia et ses compagnons brisés par des récifs assassins, ont peut être enterré, hypothéqué tout espoir de rachat d’une vie tranquille. Un Dieu maudit se repaît de ce désespoir endémique. Le prix à payer sera à la hauteur de son attente. Le prix du sang.

Note 18/20

9782493739063    Ed. du caïman   225 p.    14€

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